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Éditorial n° 45
La Nouvelle-Calédonie est encore et toujours dans la tourmente depuis le dernier référendum de 2021 toujours contesté par les indépendantistes alors qu’il a été reconnu comme valable par toutes les instances nationales et internationales démocratiques, jusqu’à l’Organisation des Nations Unies elle-même. Depuis cette date, les rencontres entre les protagonistes calédoniens pour tenter de trouver un nouvel accord continuent de se heurter à des positions irréfragables. D’un côté les indépendantistes Mélanésiens imprégnés de coutume et donc pour qui la démocratie n’est acceptée que si elle leur est favorable, de l’autre les populations pour qui les vertus de la démocratie majoritaire, valeur civilisationnelle classique, sont indispensables à une bonne entente dans l’archipel. Dans cette région du monde, quelle voie prendre pour aboutir à un nouveau statut, celle du consensus ou celle de la démocratie majoritaire ? La réponse moderne se trouve dans la question… La réponse calédonienne plurielle consistera à s’efforcer de synthétiser les deux mouvements afin qu’ils se rejoignent en un nouvel accord. Difficile, mais pas impossible, pour peu que chacun veuille bien faire des efforts à la recherche de compromis loyaux. Souvenons-nous de la déclaration finale de M. Manuel Valls qu’il avait bien voulu accorder à notre Revue en 2018 alors qu’il était Président de la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie : « Nous avons à construire un chemin pour la Nouvelle- Calédonie. Nous, responsablespolitiques nationaux et calédoniens, citoyens français viscéralement attachés à la République, à la démocratie et au droit de chaque peuple à choisir son destin. Nous le devons à cette jeunesse calédonienne, héritière d’une histoire si belle et si lourde aussi, pour que l’avenir que nous leur laissons ne soit pas subi mais choisi. Elle peut incarner avec enthousiasme les valeurs mélanésiennes, kanak, européennes, françaises et républicaines et ainsi aider à bâtir le destin commun que je souhaite dans la France ». Depuis le début des entretiens sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie à Paris début février, les différentes forces politiques calédoniennes ont commencé par des échanges bilatéraux, puis doucement par l’entregent du ministre des Outre-mer, Manuel Valls par des conférences trilatérales. Malgré deux déplacements spécifiques en terre calédonienne les indépendantistes et les non-indépendantistes ne trouvent pas encore un juste équilibre entre les revendications opposées. Cette situation de blocage voulue par des radicaux conduit à nouveau le ministre des Outre-mer à revenir à la fin de ce mois d’avril pour espérer obtenir une signature globale. Si le désaccord persistait, il ne resterait plus qu’à l’exécutif « parisien » d’user de son autorité pour sortir de ce « guêpier ». Là, la Nouvelle-Calédonie entrerait dans une autre dimension politique. En tous cas, l’on ne peut que s’inquiéter de l’absence de prise en compte de la situation économique catastrophique de cet archipel. Une vision pour le futur, une vision pour le développement économique, une vision pour le devenir des populations calédoniennes doit impérativement débloquer la situation pour la survie de ce territoire. Soulignons que les difficultés extrêmes du vote du budget de la Nouvelle-Calédonie au congrès révèle l’irresponsabilité des indépendantistes (mais pas qu’eux). Corrélativement, on saluera le courage et l’intelligence de la présidente du congrès ayant opportunément succédé aux graves dérives de son prédécesseur. À partir du document de synthèse établi par l’État à la fin février sur les orientations de l’avenir institutionnel et rendu public, la société calédonienne dans son ensemble a pu déterminer son opinion. Ce document, certes encore imparfait et à discuter constitue un repère central de notre dossier sur l’avenir institutionnel. Au demeurant essayons de rester pragmatique. Si le temps manque pour obtenir un consensus sur un accord global, peut être pourrait-on revenir à l’idée d’un petit accord, qui tiendrait en deux sujets : le dégel nécessaire juridiquement du corps électoral, et l’institution d’une période de transition avec une commission de rédaction du nouveau statut. Notre dossier, ce semestre encore, est consacré à l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Ce sujet a beau être au coeur de notre destin calédonien, l’actualité politique ne détermine toujours pas le nouveau régime que nous attendons pour succéder à celui de l’Accord de Nouméa. Notre dossier recouvre l’essentiel des questionnements posés à la population calédonienne. Les thèmes du vivre ensemble, du fédéralisme, de la démocratie consensuelle, l’approche concernant la reconstruction du tissu économique, le futur institutionnel et une vision géopolitique du Pacifique Sud permettront aux lecteurs de trouver des sources de réflexions. Quant à la doctrine toujours très éclectique, elle expose des analyses sur la vie et les déboires de l’exécutif calédonien, la santé, le droit de la concurrence, une approche sur la difficile émancipation du droit civil calédonien et la compétence en matière de recouvrement des impôts. Je souhaite aux lecteurs de la Revue juridique, politique et économique de Nouvelle-Calédonie une bonne lecture et une réflexion féconde.
Robert Bertram, |